jeudi 30 janvier 2020

"Peter : the doctors gave me no chance"

"Le rire est un exutoire et je ne comprend pas qu'on dise qu'il ne faut pas rire de ce qui fait mal. Ça fait moins mal quand on a ri."
Pierre Desproges
Un jour de printemps 2019, j'écris ceci :
Comment rester confiant devant un cancer foudroyant ?
Que faire face à une monstrueuse tumeur tueuse, une réalité généralisée qui métastase à tout va ?

Tu avais tout pour toi, une gueule de cinéma, de l'humour. Tu étais jovial, sociable, chaleureux, curieux et tant d'autres choses encore ... Tu aimais le sport : vélo, ski, natation.
Tu écoutais "Ça ne peut pas faire de mal" sur "France-inter (des extraits de livres sont lus par Guillaume Gallienne et ses invités lecteurs).
Le générique est classieux, c'est un admirable mouvement lent du concerto en sol pour mandoline de Vivaldi.
Tu es parti et pour l'instant, à chaque fois que je joue ce Vivaldi sur ma guitare, j'ai la larme à l'œil !




Expressions.
Baigner dans son jus : être comme un poisson dans l'eau.
Être dans son jus : comme neuf, dans son état d'origine.
Être dans le jus : être dans le coltar (avoir la gueule de bois), on macère dans son jus (l'alcool).

Dans l'eau de là ... bas (une rivière, l'océan), ça roule ça coule et où que tu sois, je t'imagine à l'aise, "dans ton jus", comme sur ton vélo. Tu dirais : "Ah ! c'est excellent."

Et ici, sur terre, l'amie Katie me raconte cette histoire naïve :
"Deux tomates traversent l'autoroute, la première passée de l'autre coté se retourne et dit à l'autre : Ça va Juju ?
Juju ne répond rien car elle est complètement à plat. Elle en écrase et macère dans son jus (à moins qu'elle ne soit morte) !

Glen Baxter ramène sa fraise ou plutôt son orange !
Même les agrumes orangés s'écrasent devant le chemin de fer qui va à un train d'enfer :
"Fruits en danger de mort : l'orange."



Amarcord (je me souviens) :
De ton visage joyeux à l'écoute des voix graves des moines tibétains de Guyto (musique sacrée avec ses "surprenantes" interventions de cymbales venant vérifier que tu ne dors pas).
Amarcord qu'au salon de la "maison où rêvent les arbres" , le baobab, l'arbre à conte, s'était invité et que tes pouces se régalaient à jouer avec les lamelles du "Piano à pouce".
Ce duo rigolo "baobaba" que nous formions le temps d'une impro, était branché sur le même tempo, le même propos !
Amarcord que je t'expliquais comment les luthiers d'Afrique fabriquaient l'instrument ("les lamelles en métal sont des rayons de roue de vélo aplaties").
Je te conseillais les piano à pouces du luthier Jean-philippe Minchin qui récupère des boites de sardines, y perce un petit trou et voilà un effet "wah-wah" peu onéreux.
Mais comme le temps passe vite, à cette époque tu étais loin de penser qu'il ne te resterait que peu de temps à vivre !
Aucun de nous deux n'est (ou n'étais) un homme moderne terne :



Pour les restants :
C'est pour ceux qui restent que l'affaire se gâte.
La tristesse te gratte puis te démange, l'absence d'un proche aimé dérange.
Pour les parents qui "perdent" leur enfant, ce n'est pas dans la logique des choses, cela doit les marquer pour le reste de leur vie.
L'oubli est comme une seconde mort, alors il vaut mieux redonner vie au disparu, en pensant simplement aux bons moments partagés, en les visualisant, sans tristesse, sans cultiver le pathos. On peut aussi vivre avec lui des moments inédits de vie d'aujourd'hui. Comment aurait-il réagi face à tel événement ?
Il suffit d'un peu d'imagination, de mémoire et d'empathie.
En puisant dans nos réserves de joie, on peut faire le choix, parfois, de sourire pour moins souffrir.
Ne devenons pas des morts vivants !
Écrivons sur le sujet avec des mots vivifiants !

L'appartement de Pierre est vide, ses parents sont fourbus, la vie continue !
Ces dernières années, il a vécu là, près de Lille, à "La madeleine", cette madeleine amère ("l'amas de peines"), ses parents ne pourront pas l'oublier.
Elle restera gravée au plus profond d'eux-même, cette fin de vie si difficile de leur fils unique.


Les morts sont désarmants, les morts sont des aidants.
Comme le dit si bien Christophe André :
"Dans la vie, il n'y a que deux grandes certitudes : Je vais mourir un jour, c'est moche et c'est triste. Pour le moment, je suis vivant, c'est joyeux et merveilleux !"
Acceptons l'une, savourons l'autre.


Crédits illustrations ... :
Geluck avec son chat intelligent, Glen Baxter avec son "orange no chance" (c'est de sa faute, elle est toujours pressée), Pierre Desproges le "non chat lent" et Claude Serre avec son torero qui en fait taureau.

... sonores :
Les moines de Gyuto en tenue orange et rouge tomate, tout en relief comme les monts tibetains, et leurs voix rauques (chant harmonique sacré : plusieurs voix à la foi) qui traversent tout (les "voix ferrées" et les "autres routes" aussi).
Les symboles et les cymbales mènent le bal, les voix qui guérissent font en sorte que tu te sentes moins mal. La sonorité grave des voix éloigne le mal, le "charme à Monique" agit, ses harmoniques niquent les maux, plus aigues, elles harmonisent le rapport Yin-Yang, Mars et Vénus s'accordent, la santé revient (de loin) :
"C'est grave Docteur ?
- Non, c'est aigu !"
Comme dirait Glen Baxter à "Peter Singlou" :
- "The doctors gave me no chance".

Tu allais toujours par monts et par vaux. Au Paradis, profites-en pour bien réécouter ces moines aux voix graves et profondes, calmantes et revigorantes.



Yamasté !
Bon vent, bon chant !!

mardi 14 janvier 2020

"L'âme-hors de Pierre"

"Je voulais parler de la mort, mais la vie a fait irruption comme d'habitude."
Virginia Wolf
Voilà c'est fini, Pierre est parti !
Déjà, il nous manque. L'émotion ne manque pas, elle, mais les mots, si. Aussi vais-je laisser les écrivains les dire à ma place.
D'abord Victor avec qui je suis d'accord et puis avec l'Emil qui met en plein dans le mille !
"Les mots manquent aux émotions."
Hugo
"La peur est une mort de chaque instant."
Cioran  
Dans nos hôpitaux, on n'écoute pas souvent la musique de Mozart (notamment "La flûte en santé").
Pour les mots et pour Mozart rien ne vaut Eric Emmanuel Schmitt dans "Ma vie avec Mozart" :
"... on agonise autour de moi ... Si au moins ces décès étaient prompts.
Au lieu de cela, les médecins, impuissants à enrayer l'érosion des défenses humanitaires, ne parviennent qu'à ralentir la maladie. Conclusion ? Ils allongent les agonies. Les patients sont condamnés à s'affaiblir, maigrir, perdre leurs cheveux, leurs muscles, leur vitalité, leurs capacités intellectuelles ; ils se voient infliger cette honte supplémentaire d'endurer une sénilité accélérée en attendant l'issue définitive. Que de temps laissé au découragement, à l'angoisse ..."
 "Je suis las, Mozart, si las. Les couloirs d'hôpitaux n'ont plus de secrets pour moi, j'en sais les rites, les horaires, les odeurs, les bruits feutrés, le peuple infatigable des infirmières en galoches, les médecins fugitifs au front barré par les soucis, les chariots chromés avec leur bimbeloterie de médicaments inefficaces, les râles qui parfois s'échappent des chambres, les familles plombées qui stationnent devant la porte en craignant le malade ; je frissonne un moment ou le jour glisse dans la nuit, quand l'angoisse va saisir les patients et qu'il faudrait se trouver auprès de chacun pour lui tenir la main, le bercer, lui raconter une histoire."



Désolé pour l'ambiance anxiogène, je propose que l'on fasse le choix de la joie, je serai plus à l'aise.

Le saviez-vous ?
Pierre se casse, cela me fait penser à ces jeux de main malins d'autrefois :
Celui de "Pierre, papier, ciseaux" (feuille recouvre le puits, ciseaux coupent la feuille, pierre casse la paire de ciseaux ..) ou à ce jeu d'origine italienne (comme toi Pierre) de la "morra" ou de "la mourre" ou encore "chifumi" (deux joueurs se montrent simultanément un certain nombre de doigts tout en annonçant le nombre total de doigts montrés).
Si par exemple, un joueur A montre trois doigts et dit : 5 et si le joueur B montre deux doigts et dit 6, c'est A qui gagne (3 plus 2 égale 5).
Les chinois jouant au "chifumi" vont jusqu'à rajouter une maxime de circonstance :
Six : "6 pieds de terre suffisent au plus grand homme." ou "6 jeunesse savait, 6 vieillesse pouvait."
Deux : "2 avis valent mieux qu'1".




Crédit dessin : Serre et Geluck !
Yamasté !