vendredi 25 mars 2016

"Suivez le yogide J.C Rufin"


"... en partant pour Saint-Jacques, je ne cherchais rien et je l'ai trouvé."
J.C Rufin

Le monde du yoga ressemble au monde en général.
Parmi les profs de yoga, on a les faiseurs de fric aux belles phrases chics et les faiseurs de gens mieux dans leur peau.
Il y a les agités qui t'attirent avec leurs apparences, leurs appeaux et qui te racontent du pipeau !
Il y a les tranquilles sans oripeaux, qui jouent de la musique planante pendant la relaxation, des apaisants plaisants qui te posent et te reposent !
Et puis il y a Rufin qui nous plaisante les premiers, les appelant "yogistes". Joli mot que j'adopte illico presto, ainsi, pour moi, il y aura maintenant les yogistes tristes et les yogis ravis !!!




"Trois Om et un Rufin" : de quoi être "hébébété" face à cette "puérile-culture" !
" ... la porte de l'église s'ouvrit brutalement. Les moines ne cillèrent pas et continuèrent de chanter. Mais pour nous, pèlerins, dont la foi était mal armée et l'extase fragile, cette interruption coupa l'élan spirituel.
Une personne entra, puis deux, puis quatre et jusqu'à une vingtaine ... Des flashes éclataient dans l'obscurité. Les intrus s'interpellaient d'une voix supposément basse mais qui suffisait à couvrir les douces sonorités du chant grégorien.
Sans nulle vergogne, les visiteurs se répandirent en signes de croix et génuflexions maladroites et s'assirent dans les travées. Le bruit des pages de psautier tournées en désordre prolongea cette agitation. Les plus habitués conseillaient aux autres des numéros et tendaient de reprendre l'antienne d'une voix fausse.
Après cinq minutes de ce manège, et à l'appel d'un mystérieux signal, les visiteurs se levèrent et partirent tous ensemble, non sans avoir pris encore quelques photos et fait grincer vingt fois la porte.
Les vêpres se terminèrent dans une ambiance que cette interruption avait dévastée.
Quand nous nous retrouvâmes dehors sous le porche avec les autres pèlerins, les conversations portèrent sur les malotrus qui avaient débarqué."


                                                                   "Tintin au Tibet"
                                         

Après tout ce "Tintin-marre", Finfin aux types bêtes déclare son courroux.
Gregorio le moine leur parle de ces touristes à risques, de ces barbares barbants :
"Que viennent-ils faire ici ?
- Une retraite.
- Mais en quoi consiste-t-elle ?
- Ils pratiquent le yoga.
Nous remarquâmes que, en effet, au dos des tee-shirts blancs que portaient les stagiaires, était inscrit 'Yoga group' !"
Repas  "bour'joie" pour les "yogistes" repus et pâtée triste des moines pour les "Jacquets" (marcheur de "Saint Jacques") rompus à la vie simple !
Les  pèlerins ont l'estomac dans les talons abîmés,  c'est pas l'pied. Pendant qu'leur ventre gargouille, celui des yogistes retraités retraitant est aux anges !




Sam arche et Sam pèze !
Sur le chemin de Saint Jacques, on rencontre ceux qui n'ont rien ... à perdre et ceux qui ont tout ... ce qu'il faut (et même plus).
Le yogi ravi Sam Arche, l'esthète de MUL (Marche Ultra Légère) voyage avec ses semelles de vent.
Le yogiste triste Sam Pèze, flashe, tweete, t'évite, mâche et marche avec son pesant sac'ado et ses gros "God'illots" (de chez "Shiva bien" la marque chébran du moment).
Le poids de ton barda représente ta peur de manquer.
Il y a ceux, libres comme l'air, pour qui, malgré tout, ça marche et les autres, les voyageurs organisés "un car serrés", pas libres de leurs mouvements, ces papys "yogis photographies" qui, très fiers, font la posture du trépied mais pas plus que trois pas.


Il fût un temps où fûté et osé, j'allais chanter dans les églises. J'faisais ma loi dans l'église Saint-Eloi chantant ma foi et ma joie en moi ! ...
La suite, la semaine prochaine, d'ici là, n'hésitez pas à lire le bouquin de Rufin et à marcher sans fin en chantant le chant des pèlerins !
Bon vent à tous que vous soyez "Jacquet le sainplet", "Jack'pote le friqué" ou "Jacquouille la fripouille" !





vendredi 18 mars 2016

"Le conte est bon : Nasr Eddin" n° 6



"L'Ahimsa (la Non-violence) n'est pas compatible avec la crainte."
Gandhi

Voici une autre façon de présenter l'histoire du grammairien (message du 11.03.16). Cela vient de "Nasreddin et Samira" (Patrice Lesourd et Céka).



"Une méprise de mains prises" :
"Mulla Nasreddin partait pour un voyage lointain, aussi s'était-il muni d'un cimeterre et d'une lance.
En  chemin,  un bandit armé d'un simple bâton se jeta sur lui et le Mulla se retrouva tout nu.
Quand il parvint à la ville, il raconta sa mésaventure à ses amis qui lui demandèrent comment il se faisait que muni d'un cimeterre et d'une lance, il n'ait pu avoir raison d'un voleur armé d'un simple bâton.
- Le problème, expliqua Nasreddin, est justement que j'avais les deux mains prises : l'une pour le cimeterre et l'autre pour la lance. Comment vouliez vous que je m'en sorte ?"

"Le sale air de la peur te fait payer cher l'addiction" :
La peur, ça r'met la raison en question, ça r'mue le ciboulot, alors pour l'effacer, il faut calmer le jeu, réfléchir et s'armer de ... patience !
N'fais ni le buzz parano, ni la bise à l'angoisse, ça t'fous la poisse, après t'es à cran et ça craint !
Arrête ton char et sors-en, n'dégaine pas ta rengaine de haine et sème tes graines de voix, de joie, d'amour et d'humour :
Aimons nous et animons nous les uns les autres !!
Pratiquons un genre de "Yoga du cerveau", ne restons pas fixés, figés sur une seule et même posture intellectuelle, n'hésitons pas à en changer et à choisir une posture délicate à prendre, qui nous en fait voir (mais qui permet de mieux "se voir", d'en savoir davantage sur nous-même).
Et le cœur vaillant, posons-nous la question adéquate :
A quoi bon s'armer d'un savoir inutile ?



"Quand il y a le silence des mots, se réveille bien souvent la violence des maux."
Jacques Salomé ("T'es toi quand tu parles").

Où tu vas, tu es !
Si tu vas à la guerre, là où tu vas, tuer tu haïs ...
Tu es dans ce que tu fais !

"Un jour, Mulla Nasredin alla chercher du bois dans la forêt. Il mit les fagots sur son dos et enfourcha son âne et prit le chemin de sa demeure. Les gens qui le croisèrent en route, rirent de lui :
- Pourquoi portes-tu les fagots sur ton dos au lieu de les charger sur ton âne ?
- Hommes de peu de foi, non seulement cette pauvre bête me supporte mais en plus vous voudriez que je la charge d'un poids supplémentaire ?
C'est pour ne pas l'alourdir que je porte les fagots sur mon dos !"




Comme souvent, le sage Nasreddin fait l'idiot et se faisant, dans ce conte d'antan, il décrit si bien notre monde moderne !
Dans cet univers serré et étouffant, au lieu de prendre des airs, nous ferions mieux de faire respirer notre vie, de nous faire plus petit, d'avoir (et de faire) moins de besoins.
De là, viendra la vraie légèreté !
Et qu'en dit notre joyeux joyau l'heureux Jodo ?
"... Si l'âne symbolise le corps, le bois un problème et Mulla l'intellect, on pourrait dire qu'il existe des personnes qui croient se débarrasser du poids d'un problème en le comprenant, c'est à dire en l'intellectualisant.
- J'ai tout compris, disent-elles mais, en fait, elles n'ont rien réalisé.
Elles portent toujours le problème .... elles n'ont rien solutionné."

La transformation !
Voilà ce que Jodo a réveillé en moi, l'art de faire feu de tout bois. Tout est signe, signal à déchiffrer.
Et tout cela se transforme et nous met en forme.
Comme disait si bien le "pisscanaliste" (qui parfois, ne se sentait plus pisser et dont certains jeux de mots étaient à se pisser de rire) Jacques Lacan :
"Tout est un signifiant."
Terrien, t'es rien !
Humeur, humus, humain, humilité, humidité, sont tous de la même famille !
Si on l'a à la bonne, humeur devient humour.
On compose avec la vie, on s'amuse avec sa muse et quand la fête est finie, on se décompose. De l'humus naît l'humain qui en redonne à son tour, cela donne du sens à sa vie !
S'il sait rester humble, l'homme élégant demeure réceptif, intuitif et conscient.
Son temps s'écoule cool. Cela coule de source !
Cela n'est réservé qu'à l'homme simple, peinardeau comme un renardeau, curieux mais pas furieux, cultivant la sobriété heureuse, avec de l'appétit pour autrui (humain dans la main, univers l'uni) !
Ce gugusse-humus n'hésite pas à ressembler à Nasreddin lisant une sourate claire et nette comme une clarinette bien jouée :
"Celui qui tue un homme, c'est comme s'il avait tué toute l'humanité,
s'il sauve un homme, c'est comme s'il avait sauvé toute l'humanité !"
Sourate Al Maide 32
Allez, bande de guignols, de branquignols, de oufs et de pignoufs, ne portez plus vos problèmes et vous verrez, vous vous porterez mieux !!!
"Salam Alekoum" !



vendredi 11 mars 2016

"Mollah* Nasr Eddin" n°5


"Il faut être l'homme de la pluie et l'enfant du beau temps."
René Char
Il pleut, ça me plaît.
Les flaques forment de petits lacs.
Le rideau d'eau danse le rigaudon
Et dessine des cercles bien ronds.
L'âme ensoleillée vaque,
Laisse le bon temps rouler.

Passe-heure :
Passent, passent les heures, il n'y en a plus pour très longtemps.
Voilà qu'Umberto Eco meurt à nouveau. Ou peut-être n'est ce que son écho ?
Le hasard fait bien les choses et l'écho ainsi danse !
Voyez plutôt :
Pour cet article, je cherche un conte. Je saisis à l'aveugle dans ma bibliothèque un recueil et je décide que le premier conte qui viendra à moi sera le bon.
J'ouvre le livre et je tombe sur une histoire initiatique de Nasr Eddin qui s'intitule "Le grammairien" !
Je le tiens mon lien avec le dernier message (Eco l'homme des livres, le sémiologue, lecteur de signes, l'érudit farceur et l'aérien grammairien).
"Eco me dit" le proverbe :
"Qui aime bien, charrie bien."
- Pourquoi n'as tu pas cité le fameux :
"Qui aime bien, châtie bien." ?
- C'est mon esprit pacifiste qui s'exprime. Mon côté poète aurait dit :
"Qui aime bien, Char lit bien."
- Bien vu, et comme c'est la semaine de la poésie, évoquer René Char est bienvenu. Par contre, le jeu de mot qui suit, ne s'accorde "guerre" avec ton aspect pacifiste : le char libyen ... "faux pas" s'y fier !
- Ah ! mince !




"Grammaire sommaire".

"Mulla Nasreddin est un passeur. Un jour, l'homme qu'il transporte dans sa barque est un grammairien. En cours de route, ce dernier lui demande :
- Connaissez-vous la grammaire ?
- Non, pas du tout, répond le mulla sans hésitation.
- Eh bien, permettez moi de vous dire que vous avez perdu la moitié de votre vie, réplique avec dédain le savant.
Un peu plus tard, le vent se met à souffler et la barque est engloutie par les flots. juste avant de  sombrer, le mulla demande à son passager :
- Savez vous nager ?
- Non ! répond ce dernier, terrifié.
- Eh bien, permettez moi de vous dire que vous avez perdu toute votre vie !"

S'il ne veut pas avoir l'air idiot, l'érudit avisé doit accorder sa vision du monde à la vie. Son savoir n'aura de saveur que s'il vise le concret. La question à se poser est la suivante :
Mon savoir peut-il s'appliquer à la réalité ?
Le grammairien plongé dans ses kilos de "réa-littré" peut facilement se noyer dans un verre d'eau ou dans ses contradictions !!!
Il y a le savoir utile ancré dans la réalité (savoir-miroir qui permet aux gens de se voir) et le savoir futile et dérisoire (savoir-rasoir qui nous coupe du monde). Ce dernier, inutile et illusoire, il faut le virer, s'en débarrasser.
Un véritable passeur ne jongle pas avec un savoir passe-partout (qui ne mène à rien et n'amène rien de concret) et ne joue pas à cache-cache avec la vie.
Consultons donc  notre "dico Jodo" :
"... A quoi servent les théories sur la sexualité, l'amour, le bien, la prière,  etc ... si je ne les applique pas ?
C'est comme se cacher derrière ce savoir pour ne rien faire."

L'inconscient sait tout !
C'est tout un monde, en lien avec les rêves, les contes ...
Le conte fait rêver et voyager. Tenez, pas plus tard qu'un peu plus haut dans cet article, j'ai fait un lapsus écrit ("scriptae ?), tapant "grand-mère" au lieu de grammaire.
Et dans le même temps, j'imaginais que je me rendais en Ukraine dans une petite pirogue et que je me nourrissais de pirojkis exquis comme seule ma grammaire savait faire.

A savoir : Pirojki, mot polonais qui signifie "pirogue" !
On trouve aussi le mot "Pierogi" !




Pass'heure, je vois une lueur passer dans les yeux du passeur, Baudelaire de rien, il est "l'heure de s'enivrer." :




Et de se dire :
"Eau revoir", Bye baille !", "Bon vent" ...;

P.S : Juste un mot pour le titre "Mollah" Nasr Eddin, c'est un clin d'oeil à la fameuse librairie de Bordeaux et sans le "H" final, c'est la fonction de ce génial sage fou.
Le Molla iranien devient Mulla en Turquie, c'est le maître d'école coranique !



vendredi 4 mars 2016

"Il nome della rosa"


"Il s'agissait de savoir si les métaphores, et les jeux de mots, et les énigmes, qui ont pourtant bien l'air d'avoir été imaginés par les poètes, par divertissement, ne portaient pas à spéculer sur les choses de manière naturelle et imprévisible."
Umberto Eco ("Le nom de la rose")

Le saviez-vous ?
Eco porte ce nom parce que l'un de ses grand pères était un enfant abandonné, "trouvé" (comme on disait alors). A l'époque, en Italie, tout enfant trouvé prenait pour nom Eco, qui signifie "donné par le ciel" !!
"Qu'a fait la chose génitale pour qu'on ne puisse en parler qu'avec vergogne* ?"
Montaigne




"Au nom de la chose", voici "Le nom de la rose".
Ce premier roman, je l'ai dévoré. Ce pavé dans la mare aux "cochons" (moines rustres et frustrés) est passionnant. C'est un vrai livre "tourne-page", étonnant et épatant !
Y'a rien à retirer, ça s'lit d'un trait.
C'est à la fois fin et grossier (mais jamais vulgaire), le propos d'Eco se veut sage (Aristote) et coquin.
("Dieu me tripote ! dirait Pierre Desproges).
Il nous montre des moines inquiziziteurs à la foi vrai cul béni et faux cul inouï et semble leur dire que malgré leur côté "les cénobites tranquilles", ils (elles) ne sont pas si calmes sous leurs robes de bure (l'habit ne fait pas le moine),
Le bénédictin fornicateur aux discours castrateurs, on se demande quel démon l'habite !
"... A lire des livres de médecine, on se persuade toujours d'éprouver les douleurs dont ils parlent."
"Gêne-aise du roman gothique"
En 1970, un éditeur italien propose  à Eco de participer à une nouvelle collection de polars courts et originaux. Il pourrait, par exemple, écrire sur un meurtre réalisé dans une église. Eco fixe sa condition :
"D'accordo, va bene ! mais seulement pour un livre de cinq cent pages."
L'éditeur refuse.
Eco reprend l'idée et prépare son premier roman, un polar médiéval et monacal. La première question qu'il se pose, avec un petit sourire aux lèvres, est la suivante :
"Comment trucider, homicider un ecclésiastique caustique ?"
Le temps passe et à la fin des années 70, le polar est prêt à être publier en Italie et à être traduit en français. En ce qui concerne la traduction, Eco essuie le refus de tous les éditeurs français prétextant que le livre est trop long et qu'en plus, il est intraduisible.
Il ne reste plus qu'un seul éditeur hésitant, mais sous l'influence de sa femme enthousiasmée par le livre, il finit par accepter. Mr Grasset, ne croyant pas au succès du livre, paye le traducteur quatre fois le tarif habituel et en plus donne un pourcentage sur les ventes du roman. Depuis ce temps, Jean-Noël Schifano, le traducteur, est ravi que le livre ait eu autant de succès.


Vers la fin de sa vie Eco commet une erreur de jeunesse !
En 2011,  l'éditeur italien propose à Eco de rédiger une version allégée du roman.
Eco accepte et récrit en se mettant au niveau de la génération "internet". Quand on lit le nouveau cahier "décharge", on croit rêver, on lui demande d'accélérer, de rendre le récit plus vif, de réactualiser le langage, de le rajeunir.
Quel mépris des jeunes !
Fini les tirades philosophiques, les citations libres, le vocabulaire trop soutenu, les métaphormidables
et les paraboles mirobolantes.
Mais, bon dieu ! ce qui intéresse le lecteur de cet ouvrage, c'est justement toute cette petite musique surprenante qui même si l'on ne la comprend pas toujours n'en est que plus charmante.
Pendant ce temps là, Mark Hetting jubile et s'en frotte le mains. Il nous avait déjà fait ce coups là avec le fameux livre de Michel Tournier (mort récemment). Allégé, "Vendredi ou les limbes du Pacifique" est devenu "Vendredi ou la vie sauvage".


Allez, à Vendredi prochain !!!
On se quitte sur la quatrième de couv'  :



Cela est malheureusement toujours d'actualité !
Les citations non identifiées sont extraites du roman.
* Vergogne : honte !
Adichats (Bye bye) !!!