lundi 21 mai 2018

"Bons becs, amuse-bouche"

"Oublier, c'est se souvenir que tout est beau.
Qui a dit ça?
J'ai oublié."
Ribes

Cavanna émoi.
J'ai toujours aimé Cavanna, avec son humour coup de poing, ses colères contre la connerie et ses écrits pas ordinaires.
J'avais quinze ans lorsque j'ai commencé à le lire. Je m'en souviens bien, c'était en avril 1974, un peu avant les élections présidentielles et mon argent de poche venait d'être revu à la hausse. Alors, en plus de Pilote, le journal "qui s"amuse à réfléchir" sur ce monde intelligent et gentil, je décidais de lire le journal "bête et méchant" (Charlie-hebdo).
Les articles de Cavanna dans "Charlie-hebdo" sont vite devenus des rendez-vous incontournables.
Et le temps est passé, pendant quelques décennies, j'ai été comblé par le talent de ces artistes "bien fêteurs" : Cavanna, Cabu, Reiser, Gébé, Wolinski, Willem, Delfeil De Ton, Fred, Topor, Vuillemin, Choron, Berroyer, Tignous, Val, Marris, Charb, Luz, Jul, Riss ...

L'autre jour, revenant de médiathèque, Miss Funny me montre ce si joli livre chic et nostalgique :



Que de joies retrouvées grâce à ce duo là : Doisneau le parigo à la photo et Cavanna le rital aux textes de choix !
Le temps passe et laisse des traces. Ces traces sont autant d'empreintes, autant d'ancrages qui encouragent à prendre un chemin de vie menant à la poésie !

Un rital, késako ?
C'était à l'origine un réfugié italien, on a pris le R de réfugié et on a rajouté les premières lettres du mot italien et voilà d'où vient le mot "rital" !
Cavanna avait 35 ans de plus que moi. Ce qu'il a si joliment écrit, m'enlève les mots de la bouche. A l'école, j'avais pas la classe du rital (le second de la classe, pour ne pas endosser le rôle du "fayot") les doigts plein d'encre, en cours, j'étais abonné aux places du fond (celles des cancres, je me débrouillais pour être l'avant-dernier afin de ne pas porter le bonnet d'âne).
C'était les meilleures, y'avait pas photo !
Personne ne te voit et toi, tu vois tout le monde !
Ainsi assis, tu peux passer une partie de ton temps à observer et à rêvasser ... où alors à regarder les aiguilles de la pendule !


Sinon, avec Cavanna, on a une sensibilité proche, parfois exacerbée, des points de vue d'écolos rigolos, des repères géographiques qui se ressemblent, de par nos origines où nos vies sentimentales (ses origines ritales et mes origines ukrainiennes et l'inverse : une "storia d'liouboff", une histoire d'amour russe pour lui, lire les"Russkofs" et ma dolce vita con Donna Rigoletta).
On a rencontré tous les deux Miss Parkinson sans jamais lui dire : Ya vas lioubliou ! ("je vous adore").

 Bons bonbecs !
"Les bégots, c'est les bonbons rigolos qu'on achète dans la boutique à côté de l'école, des grosses fraises bien grosses bien chimiques qui te barbouillent la figure, les roudoudous dans la boite en bois que tu lèches jusqu'à ce que le bois te râpe la langue, les rouleaux de réglisse avec une perle en bonbon au milieu, les "respirfrais" qui sont de la poudre très bonne dans un petit sac avec une paille pour aspirer. Il y a aussi les carambars et les malabars."

Moi itou, c'est pas difficile à l'époque j'aimais tout : les cachous, les scoubidous et les roudoudous mais aussi les malabars, les carambars et les rochers Suchard, les caramels Kréma et le bonbec à la poudre de racine de réglisse anisée (coco boer) ou à la réglisse aromatisée à la violette : le Zan venant d'Uzès ...

Le saviez-vous ?
Le métier de blagueur "Carambar" existe et "Aïe aïe, Caramba" ! chaque "bonne" blague rapporte 80 euros. Vous êtes trop bon Mr Carambar !!!
A notre époque opaque qui se pique de super flow et de superflu, on ne fait plus rire pour déranger où pour faire réfléchir mais plutôt pour faire le malin avec son Carambar à la main :
"J'ai fait une blague "Super U" et ça a supermarché !"
Ou bien dans le genre sexy du Caranbarbant :
"Quel est le fruit le plus osé ?
La "banane à slip".
"Il aurait pu répondre aussi :la "banane-ananas", comme ça, il en "navet" deux pour le prix d'un", me souffle un comptable superUsé !
Dans le genre "deviminette" culottée, j'préfère la mignonette belge que voici :
"Savez-vous pourquoi les femmes belges portent leur string à l'envers ?
- Pour que leur chatte puisse jouer avec la ficelle !"




Comme dit si bien J.M Ribes :
"Il faut savoir distinguer le ricanant de l'humoriste."

Commentaire imaginaire de la la photo Doisneau qui suit.
"Plus tard, je serais blogger blagueur chez Carambar ou chanteur pas gnangnan de bonbons "Mistral gagnant" et je gagnerai à être connu, se dit l'enfant qui médite ...
- Et qui c'est qui paiera l'ardoise ? parce que là, ton addition, elle est pas juste. Moi, j'te vois plutôt conteur que compteur !! pense son voisin."




Bande destinée !
"Moi, ce que j'aime le plus c'est Superman et Tarzan, parce qu'ils peuvent faire tout ce qu'ils ont envie, ils ont de super pouvoirs.
Moi, à leur place, je perdais pas mon temps à courir après les bandits. Je profiterais de mes super pouvoirs pour me taper toutes les gonzesses.
Ah, la vache ! il y en a de drôlement mignonnes, dans les BD, des avec de longues jambes, longues longues, et des jupes fendues et des nichons bien pointus. Ça fait vachement rêver, les gonzesses, y'a rien qui fait rêver autant."



Star Zan a le mot de la faim :
"Qu'est-ce qu'il a de la veine Tarzan, de vivre rien qu'au milieu des bêtes, dans une forêt pleine de bananes, de noix de coco, d'ananas et de bonnes choses à manger que t'as juste à tendre la main pour les cueillir. "
Ami qui me lit, bon vent et bons becs (au Québec, un bec signifie un baiser) !!!
Caresses et bises à l'oeil !
Myamasté !

Crédit photo : Doisneau avait un oeil gourmand, rigolo et un oeil d'aigle, cela lui donnait un regard sur la vie bien à part.
Crédit croquis : le Chat de Geluck et une BD "Tarzan" d'après 1945 (ceci explique peut-être pourquoi Jane n'a pas vraiment les "nichons pointus" décrits par Cavanna qui lisait la version des années 20-30, celle du créateur Edgar Rice Burroughs).

mardi 1 mai 2018

"Higelin le baladin"

"Lorsque j'ouvre l'oreille, j'ouvre mon cœur, mon corps, mon esprit et mon âme."
Higelin, le sage !
Après l'extravagant qui voit grand et qui ne manque pas d'airs dans sa tête, voici l'oeuvrier découvreur et ouvreur de fenêtre :
"Ouvrir des fenêtres, écarter des carcans, c'est le plus beau rôle de l'artiste."
Fermez la porte et ouvrez vos esgourdes :
"J'écoutais du jazz dans ma chambre. Mes parents entraient et me disaient :
- Qu'est-ce que c'est que cette musique de nègre ?
Tu pourrais arrêter de faire du bruit !
Maintenant, sur scène, on entend les rappeurs dire au public :
- Faites du bruit !!!
Ce décalage, cela me fait tout drôle !"
"L'humour dédramatise et fait respirer mieux."
"L'humour et l'amour sont les armes des gens sans armes."
"La musique, c'est ce qui fait le lien, ce qui nous connecte avec les autres."
Avant de partir à l'étranger, apprenez donc la langue et la musique du pays visité et pendant le séjour, allez d'abord à la rencontre de "l'original Pierrot du coin dans son quotidien", puis dans un second temps, découvrez "la vieille pierre qui vous en bouche un coin".




Sur scène, Higelin était un orateur éloquent.
Ce trublion troubadour se lançait sans complexe dans de longs soliloques parsemés de digressions, d'embardées lyriques et de fulgurances poétiques !
Il avait du bagout de bon goût cet éclectique excentrique qui disposait d'une "solide dose intérieure de plaisir de vivre".
Sous influence jazzy fantaisie, sa musique entrainante et vivante se situait parfois entre Trenet et Vian,  C'était un expert en phrases et en phrasés jazz, sans emphase mais souvent bien en phase avec l'humain.
Il n'hésitait pas à parler de la vieillesse :
"J'aime bien ma vieillardise."
"Jusqu'à 50 ans, on est jeune et beau. Après, on est beau !"
Et de la mort :
"La mort, ce n'est désagréable que pour ceux qui restent."
Sa première chanson enregistrée a pour titre "Je suis mort, qui dit mieux ?"
Et après, au temps de l'enterrement, quelle ambiance installer ?
Cela dépend de l'esprit de chacun. Prenons deux chanteurs récemment disparus : le défunt défait Johnny Halliday et le défunt dauphin Jacques Higelin.
Le premier, tristounet, a eu des obsèques dans la "communion nationale", le second, joyeux luron, a été enterré dans la joie. Halliday est couché dans un cimetière tropical bien loin des siens, Higelin est assis à Paris, à l'aise au Père-Lachaise. De toute manière, comme le disait si bien Cocteau :
"Le vrai tombeau des morts, c'est le cœur des vivants."
Tiens ! un autre chat (lire "Higelin l'enchanteur") passe et pense aussi à ceux qui trépassent.




"On ferme les yeux des morts avec douceur. C'est aussi avec douceur qu'il faut ouvrir les yeux des vivants."
"Epitaffe" :
Pour Cocteau, on n'est pas surpris du "Je reste avec vous." (après la citation du tombeau cœur).
Higelin la donne dans sa chanson "Pars" :
"Pars, surtout ne te retourne pas, pars, fais ce que tu dois faire sans moi, quoi qu'il arrive, je serai toujours là."
Dans son dernier CD "Higelin 75", une chanson "j'fume" dit :
"J'attends que le fossoyeur me creuse une tombe au Père Lachaise."



Voilà, Higelin est parti, "tombé au ciel", peut-être retrouvera t-il d'autres originaux atypiques : des artistes comme ...
Cocteau, Rimbaud, Crolla (son prof de guitare "Django"), Trenet ou Lennon (nés à neuf jours d'intervalle, ces deux natifs de la Balance se fichaient des convenances et cultivaient la fantaisie, le non-sens et l'élégance) ...

A l'entrée du Paradis des baladins plaisantins, j'imagine ces deux gamins, entartant à la manière du vengeur pâtissier Godin, les pompeux cornichons égarés en ce lieu sacré. Ils s'amuseraient à ne laisser entrer que les fous chantants, les "aéroplaneurs blindés", les zozos ésotériques du zoo zazou : trolls, djinns et tous les "Jackie Gelin" guérisseurs : "lutins, lucioles, feu-follets, elfes, faunes, farfadets" !

Crédit illustration : l'affiche "Higelin au Casino de Paris" est signée Razzia.
Les chats sont de Cocteau et Geluck.

Allez, bon vent, caresses et bises à l'oeil  !
Yamasté !!