vendredi 10 octobre 2014

"Brèves dingues de zinc"


"Un peu de vin est un antidote contre la mort et en grandes quantités, il est le poison de la vie."
Proverbe perse

Vu au ciné "Le Rex" d"Andernos, le dernier film de Jean-Michel Ribes d'après les fameuses "Brèves de comptoir" (recueillies par le salutaire Gourio).


Ce film est un formidable document poétique où l'on voit défiler toute une chouette brochette d'acteurs (trices), jouant les toqués et les paltoquets du troquet. Le bistro, c'est le lieu du théâtre farfelu, on y vient pour faire l'idiot ou le malin. C'est l'endroit renversant où l'on peut trouver du gag dadaïste qui rend gaga.
"Je ne sais pas pourquoi ils ont décidé que les réveils feraient 'tic-tac', il doit bien y avoir une raison."
"L'avenir, je préférais celui d'avant."
Après le tic-tac du bon sens et du temps qui passe mal, voilà la tactique du bon sang.
"- A la prise de sang, ils m'ont dit que j'étais rhésus positif. Ca veut dire quoi ?
- Ca veut dire que tu bois des bouteilles à moitié pleines. Les négatifs boivent des bouteilles à moitié vides."
Du film, les gens sérieux, fadasses tristasses, ne verront, hélas, que le cimetière situé en face du troquet. Les gens sérien, zombies assombris ou hautains trissotins à la mine renfrognée attendront impatiemment la fin du film, afin de tuer le temps qui passe définitivement trop lentement.
Les joyeux drilles, les gai-lurons, les pierrot lunaires, eux, seront morts de rire.


Jean-Marie Gourio n'est pas un taiseux de Taizé (le monastère) mais parfois, il leur ressemble un peu, aux moines (sauf que pour Gourio, le spirituel est plutôt "spiritueux").
C'est un genre de missionnaire païen qui boit les lumineuses paroles des fidèles au "contoir" et puis qui va coucher sur le papier, les pépites avinées inventées par d'excentriques pitres enivrés. Le vin bu, la timidité vaincue, place aux abus de langage, c'est la ruée vers l'oralité débridée. Et alors Queneau ou Pérec ne sont pas loin :
"J'inventationne des mots, sinon je m'ennuie quand je parlude."
Parfois, c'est à tomber (au sens dé-figuré, j'veux dire), asstap' (au top des expressions jeunes des années 60, rajouter mentalement "er le cul par terre") :
"Le langage du corps c'est quand tu tombes, ça veut dire que t'as glissé. C'est facile à parler."
Du coup :
"Des fois, je me demande vraiment ce que je fais par terre."
C'est plus du langage, mais plutôt du tangage !


Allez, un kir royal et on se croit le roi de la chaise au porteur !!!

Un petit conseil santé :
"Quand tu te laves les dents, il faut aussi frotter la langue, c'est là que les bactéries, elles discutent."
Un petit conseil diététique :
"Les sucres lents, ça fait grossir vite."



Les gens des troquets, croquignolets (trop guignolet-kirsch) à croquer, Jean-Marie Gourio les écoute, comment procède t'il ?
"Alors voilà, j'ai écouté en buvant et j'ai bu en écoutant, à l'affût au bout du comptoir. Tout est là, vous y êtes, un coude sur le zinc, un verre à la main et l'attention ballotée comme un glaçon dans un verre d'anis aux premiers jours de l'été ..."
En vin, la messe est dite. Alors vient le moment où la presse édite. Nous sommes en 1985, le Professeur Choron publie dans "Hara-Kiri" les brèves de bistrot collectées par le discret Gourio qui applique au pied de la lettre, ce second proverbe perse :
"Tu as une langue et deux oreilles : dis un mot pour en écouter deux.

"In bistrot veritas"
Ces haïkus popus, ces dingues aphorismes du zinc, sont une mine, une manne, un véritable trésor de trouvailles travaillées, taillées par des orfèvres de brèves, des bois-sans-soif qui décoiffent, des taquins au taquet, toquets du troquet, des "sois-phare" illuminés.
Gourio, par la grâce de son "boulot-goulot", nous fait entendre cette parole embrhumée (les protagonistes ont un verre dans le nez) par l'alcool, avec ses raisonnements hasardeux qui aboutissent au non-sens (et qui abrutissent l'hémisphère gauche du cerveau avec sa rationalité triomphante, du coup, cela stimule le "cerveau droit", résultat : l'imagination est aux commandes) et ses raccourcis simplistes qui en disent long sur l'auteur de la vanne (ouverte).
Tout ce monde taquine le verset (nous à boire), le vers poétique, le verbe et le verre, comme qui rigole. La vie est belle et c'est tant mieux !!!

Une dernière pour la route, dédiée à la tapette anti-bzzz de Miss Funny :
"En trépanant un moustique, on arrive à lui enlever l'envie de piquer."
Allez, comme on dit dans les landes gasconnes : Adichats ! (Au-revoir).
Dans la série "quand y'en a plus, yann a encore" (les brèves, c'est comme les cacahuètes biologiques, quand on y met le nez ... ) :
"Les bergers landais sont moins cons que les autres, ils mettent des échasses pour pas marcher sur la merde des moutons."
Crédit photos : Doisneau ("Bistro cloisonné-Paris 1950", "Jeux de société, rue lacepède1954", "Les bouchers mélomanes-La Villette").


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