"Esthétique acoustique"
Les villes sont de grands orchestres en délire.
A la batterie, cognent les entreprises de démolition et swinguent les chantiers.
A la basse, les embouteillages brinqueballent avec des lenteurs retenues et des accélérations pétaradantes.
Aux cuivres, hurlent les sirènes, les klaxons et les freins.
Au piano, s'égrènent les mille raffuts du commerce et des affaires.
Aux percussions, riffent les ateliers d'usine, grondent les turbines.
Au saxophone-ténor, miaulent les réacteurs et rugissent les locomotives. Le téléphone est aux cymbales.
Aux chants, s'emmêlent les voix démultipliées des "radio-télé-cinéma". La ville compose jour et nuit une symphonie fantastique illimitée. Elle égrène les gammes du pas et du pneu, le solfège de la sirène, les croches de la "schizophonie" (du grec schizo : fendre, séparer et phônè : voix, séparation d'un son original de sa transmission).
Ecoutez-là. Elle craque dans la musak (l'ignoble sous-musique des supermarchés) et couine dans la matière plastique. Elle mord le bois, elle résonne dans l'aérateur. Elle crie avec moi.
Murray Schafer est un musicien Canadien. Il a analysé et classé l'ensemble des bruits et des musiques urbaines. Il pense que chaque ville a son propre paysage sonore, il cherche à le définir et travaille à l'élaboration d'un "projet d'environnement sonore" par grande capitale.
En 1987, je me rendais souvent au Centre Beaubourg (Paris), afin de nourrir ce mémoire. Le coin musique était riche, je revenais à Aulnay, avec des cahiers de notes remplis d'anecdotes et de photocopies d'extraits de livres ivres de sons et d'extases !
Dans cette caverne d'un autre âge, j'étais ravi baba.
Dans cette taverne moderne, j'étanchais ma soif de connaissances. Là, tout n'était que "luxe, calme et volupté" !
Ce livre de Schafer sortait du lot et de l'ordinaire. Ce compositeur écolo proposait de réinventer le monde, de réinviter la vie et de créer de véritables décors sonores. Un (livre) vert à la main, je dégustais le cocktail réjouissant de ce paysagiste "son-or"
- Et si l'on écoutait la pluie tomber !
- Laisse tomber ...
- Dans le sens "laisse-aller" ?
- Oh ! laisse béton ... Après tout, je m'en tape.
- Et si on tapait sur le béton pour voir ce que cela donne, pour écouter comment cela sonne !- Tu peux aussi tapoter les gros tuyaux extérieurs.
- Et ainsi jouer du "Tambour Beaubourg" !!
- Alors, faudra frapper fort parce que tu auras de la concurrence. Sur le parvis du Centre, il y a souvent des concerts improvisés.
Celui-là ne l'était pas :
Namasté !!!
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