Chant harmonique : une note fondamentale comme une pierre qui tombe dans l'eau, provoquant une réaction : des cercles concentriques (harmoniques).
Le Chant Harmonique
On utilise le terme "chant harmonique" (ou chant diphonique) pour définir un chant réalisé par une seule personne produisant simultanément un bourdon continu et un autre son plus aigu, constitué par une série de partielles ou harmoniques, ressemblant au son de la flûte ou de la guimbarde.
C'est une technique vocale apparue il y a fort longtemps en Mongolie, pratiquée par les Chamans ("sorciers", "hommes médecines") qui cherchaient à guérir les maladies, à chasser les démons hors du corps des malades par la "voix" surnaturelle.
C'est un son qui correspond à l'imitation des bruits de la nature : le vent qui siffle à travers les feuilles, l'eau du ruisseau qui coule, etc ...
Les Mongols ont une énorme puissance thoracique. Ils ont une vie rude, proche de la nature, ces êtres de petite taille font face aux vastes étendues des steppes d'Asie Centrale. Leur chant porte loin, il est très puissant (les Mongols ont le front trempé lorsqu'ils chantent diphoniquement, le chant les réchauffe du froid ambiant) ; il est à l'image de leur environnement dont l'étendue est entendue dans l'interprétation.
Au Tibet, par contre, les Tibétains vivent dans des "grottes-abîmes". Le chant harmonique interprété par ce peuple sera grave, la voix étant caverneuse, profonde. Dans tous les lieux du monde, la musique est influencée par le lieu d'habitation.
Quand les ondes sonores aident à comprendre la naissance de l'univers.
Ouououououou ....... Eueueueueueu .... Iiiiiiii ..... Ooooooo ...
Lèvres en avant, langue tortillée en arrière, assis en lotus, bouche décousue, je mugis en grimaçant des sons bizarres. Centre Mandapa, un dimanche matin du mois de Novembre 88, nous sommes une douzaine à chanter ainsi, j'assiste à un stage d'initiation au chant diphonique; Tran Quang Haï joue (à merveille) le rôle de maître enchanteur.
Ouououou ..... Eueueueu ..... Iiiiiii ... Ooooo ... D'un seul coup d'un seul, le son magique et ancestral est sorti de ma bouche.
La révélation !! j'ai eu deux voix à la fois. Et ne me dites surtout pas que j'ai entendu des voix, ces voix là ne venaient pas d'ailleurs (quoique ...) ; c'était bien les miennes.
Deux voix, disais-je, l'une normale, plutôt grave qui psalmodiait longuement des voyelles comme dans le "AUM" hindou.
Et une deuxième : un minuscule flûtiste planqué au fond de la gorge, un petit Krishna s'évertuant à faire siffler très haut sa flûte, la sonorité pure d'un verre de cristal frotté par des doigts mouillés, ou d'un synthétiseur.
Ces sons me chatouillent agréablement la gorge. Je les tiens entre la langue et les lèvres, ils s'échappent parcimonieusement et harmonieusement (enfin, j'es"père d'oreilles") de ma bouche, et je module, avec précaution, pour ne pas les perdre d'ouïe, comme un surfeur sur la vague.
Je me souviens bien de ce jour là, comme si c'était hier. C'était le jour de mon anniversaire, j'avais trente ans tout rond.
Hugo Zemp et Tran Quang Hai, complices, avaient dû le sentir, puisqu'ils avaient décidé de filmer certains moments de ce stage d'initiation au Chant Diphonique.
Hugo Zemp, calme et bienveillant, est un excellent documentariste spécialisé en ethnomusicologie (voir, entre autre, "L'art du Yodel").
Ce jour là, dans le groupe, j'étais un peu le novice de service, "l'hubert-lulu" qui sort de l'oeuf pour découvrir quelque chose de neuf. Les autres stagiaires étaient plus expérimentés. On peut en découvrir quelques uns dans le film.
Moi, quand je ne suis pas "écouteur", je pars, en gentil Om, aux confins de l'univers. C'est peut-être la raison pour laquelle, dans le film, on ne voit que mon dos qui chante !
C'est déjà ça !
Certains critiquent le film en disant qu'on ne voit que lui.
- Qui ? Ton dos ?
- Et non, "tendre canaille" ! lui, Tran Quang Hai le "M.C", le maître en chanteur, le maestro du chant qui fait "loucher" les oreilles (qui "entendent double").
Cela dit, ils ont raison. On ne voit que lui, mais c'est pour notre plus grand plaisir !
- Ils auraient pu laisser plus de place à Yann Meynier !
- Non, pas vraiment, moi, je faisais ce que je pouvais. Je m'imprégnais, pleinement réceptif, j'étais tout ouïe, tout ébloui, tout ébahi. J'étais "to tweet", je gazouillais, je cafouillais et ainsi de suite.
En fait, la véritable rencontre avec le chant diphonique, je l'ai vécu, en rentrant chez moi, dans ma bagnole, sur le "périféerique" parisien, près de la porte de Bagnolet !
Post-scriptum ;
Le documentaire sorti en 89, s'intitule "Le chant des harmoniques".
Je remercie Jean-Pierre Lentin, journaliste épatant qui a ensoleillé ma vie pendant plusieurs décennies. Ce co-créateur de la revue alternative "Actuel" et de "Radio Nova" (Ah ! son étonnante émission "Citron pressé", que de découvertes musicales !), il en connaissait un rayon sur les ondes magnétiques et sur les bonnes vibrations des musiques du monde.
La science, il rendait ça rigolo. Il n'a pas eu de chance, il est mort trop tôt ( 58 ans).
C'est son article sur le chant diphonique paru dans Actuel (dont je me suis inspiré) qui a fait déclic. Ensuite, à l'écoute de disques, j'ai connu le choc de ce surprenant chant mongol et j'ai pris une claque avec le chant grave des moines tibétains de Gyüto, .
Depuis, je me soigne aux harmoniques !
Voilà, suite et fin la semaine prochaine.
A bientôt !
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