... Chez les yogis, il existe cinq souffles : inspiré, expiré, diffusé, élevé, rassemblé. Les vents sont assimilés à des Divinités (Vayu est le Dieu du vent); Le pranayama, discipline du souffle, permet, non seulement de contrôler la respiration, mais aussi de la ralentir, la suspendre.
- Sri Iyengar, vous semblez vouer un culte particulier au Dieu-Singe Hanuman. Quelle est sa relation avec le pranayama ?
- "Hanu" signifie la lèvre et "Man" le fait d'être assis sur l'extrémité de la lèvre, plus exactement au niveau de l'espace séparant la sortie des narines et de la lèvre supérieure.
Symboliquement, Hanuman représente donc le souffle. Dans la mythologie hindoue, Hanuman est le fils du Dieu Vayu.
Il apparait dans le Ramayana aux côtés des deux protagonistes que sont Sita (représentant la nature ou "prakrti") et son mari Rama (représentant le Soi ou "purusha").
Ravana, démon et roi du Sri Lanka, enlève Sita et Rama est évidemment plongé dans une profonde tristesse.
Or Ravana est représenté avec dix têtes correspondant aux principaux plaisirs de la vie terrestre; ainsi, l'enlèvement de Sita peut être interprété comme la souffrance de l'âme de voir le corps se laisser entraîner par des jouissances matérielles et c'est le Dieu Hanuman qui a retrouvé Sita, qui aide Rama à la récupérer et donc réunit les deux époux.
Hanuman, ou le souffle, préside donc ainsi à l'union divine "Prakrti" et "Purusha" (la nature et le Soi), entre la matière et l'énergie.
Le yoga a pour but cette fusion de l'âme individuelle ("jivatma" ou "Sita") avec l'âme universelle ("paratma" ou "Rama").
... Laissons là les yogis et allons voir les Soufis. Certains Soufis, joueurs de ney (hautbois), contrôlent sans cesse leur respiration pour que le son ne soit pas interrompu et que l'on n'entende pas l'inspiration.
Ils pratiquent le "souffle continu" (inspiration par le nez - et non pas le ney ! - et expiration dans l'instrument en circuit fermé), le plus difficile étant d'acquérir une puissance d'émission.
Certains musicien de jazz s'intéressent de près à cette technique. Bernard Vitet est de ceux-là, il nous en explique les subtilités :
- Connais-tu les techniques traditionnelles où l'on souffle avec une paille dans un bol d'eau ?
- Oui, je les connais, mais je trouve qu'avec un instrument, c'est très bien aussi : avec une flûte, par exemple. Quand on souffle avec une paille, on apprend à faire ça en finesse puisqu'il s'agit d'une compression très faible. L'air qui se trouve dans la paille est très faiblement comprimé. Pour arriver à une régularité absolue, il faut créer un débit et une tension ininterrompue par rapport à une certaine pression. Pour obtenir la continuité, on doit obtenir une fréquence régulière des lèvres, et les bulles doivent avoir toutes en moyenne la même grosseur et s'échapper de la paille d'une façon continue dans le temps, le même nombre dans une seconde, et à ce moment là, il y a le souffle continu.
Là, sur ce morceau, pas de souffle continu, juste de la belle musique jouée par l'un des grands spécialistes du ney : Kudsi Erguner avec le brio du trio. Si la percussion est typique (zarb), le violoncelle surprend agréablement.
La semaine dernière, nous nous quittions avec "Axel'oiseau", qui n'est ni soufi, ni sous-fifre dans une fanfare provençale. Non, lui ce serait plutôt un joueur de nez (flûte nasale), qui, loin de jouer comme un pied, pourrait bien faire de rêves-errants-cieux "pied-de nez" (genre "câlin d'œil") aux soufis, joueurs de ney.
- C'est vraiment n'importe quoi. Et pourquoi pas, pendant qu'on y est, ne pas parler d'un roi bouffi, joueur de ney né qui prendrait son pied à écouter en continu la conteuse Shéhérazade et ses milles et une histoires grivoises et colorées ?
- Ce n'est pas le sujet, cher intern'locuteur, je parle juste de choix soufi.
- De philosoufie en quelque sorte.
- C'est c'la oui ! Bon passons plutôt à la pratique yogique. Il est grand temps de calmer les esprits, voici venu le moment relaxant qui s'impose : la respiration "brahmari".
- Et qu'est-ce que c'est qu'ça : la respiration au bain-marie, c'est quand t'as la rate au court-bouillon ?
- Que nenni ami ! Venons-en à la pratique de la respiration de l'abeille (brahmari) dont le son produit ressemble au bourdonnement d'une abeille.
"... les textes préconisent que l'étudiant doit produire, avec une inspiration énergique, un bourdonnement semblable à celui d'un abeille mâle et, avec une expiration lente, un bourdonnement semblable à celui d'une abeille femelle. Le son est plus fort à l'inspiration et plus doux à l'expiration ... Le son doux conduit à un état de félicité et de sérénité. Prolongé, il accroît les vibrations dans tout le corps. Ces vibrations ont un effet rafraîchissant, de sorte que l'esprit s'apaise."
Shri Mahesh
- Dis-donc, ne serait-se pas le "souffle continu du yogi" ?
- Non, pas vraiment, puiqu'en fait, on place un moment de rétention de souffle entre les deux bourdonnements. Ce serait plutôt du souffle contenu.
- Ce n'est pas évident, surtout le bourdonnement sur l'inspiration.
- Pour sûr l'Arthur ! Mais une fois que t'as pigé le truc, ça va.
- Et le truc, c'est quoi ?
- Faut faire chanter la glotte (et bien sûr fermer la bouche).
- Et bien moi, j'en reste bouche bée et sans voix.
- Ça viendra avec le calme intérieur ! Bien, comme disent les soufis :
"Salam aleikoum" : que la paix soit avec toi !
- Là, je sais ce qu'il faut répondre :
"Aleikoum salam"
Allez, bon vent et bonne semaine !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire