"La parole humaine est comme un chaudron fêlé où nous battons des mélodies à faire danser les ours, quand on voudrait attendrir les étoiles."
Gustave Flaubert
Alors, pour parler aux étoiles, l'homme a inventé la guimbarde !
Cet instrument curieux se retrouve sur tous les continents et dans toutes les traditions européennes. La guimbarde est originaire d'extrême-orient (ce qui en fait un instrument extrêmement drôle, très-or riant).
Ce drôle d'instrument est lié au pouvoir chamanique (Sibérie), au divertissement collectif (Bali), à l'amour (Chine).
C'est l'un des instruments les plus anciens du monde.
Il peut faire danser mais la "guimbarde" est (a été ?) aussi une danse de provence (guimar : sauter et wimon : s'élever).
Cet idiophone qui nous rend moins bête, nous permettrait-il de nous élever spirituellement ?
Faut-il le mériter ?
Pourtant, il est simple et plat, à le voir on se dit que cela doit s'utiliser sans coup férir (sans difficulté).
En effet, c'est simple comme bonjour, encore faut-il prendre le temps de se mettre soi-même au diapason et si l'on s'énerve, mieux vaut alors aller prendre l'air. Il faut être en sympathie avec lui, l'aborder comme un ami.
Pour ma part, je n'apprécie guère la guimbarde classique que l'on trouve dans les magasins de musique. Pour avoir un son correct, il faut placer l'objet entre les dents et ça, je ne supporte pas (en plus, je crains pour mes dents, déjà que-note j'ai une dent contre).
Mais revenons à la langue, à l'étymologie (oublions la traumatologie de la languette).
Dans le langage courant, la guimbarde peut être :
Un vieux tacot k.o, une mauvaise guitare, un rabot nabot ou un groupe de musique traditionnelle wallonne "Lu Gaw" (La Guimbarde).
La guimbarde se dit en anglais jaw's harp (harpe à mâchoire). Dans le langage populaire, cette appellation subit souvent une déformation : on l'appelle à tort jew's harp, ce qui signifie harpe des Juifs.
Pas besoin de mordre la guimbarde avec le modèle vietnamien "Dan Moî", puisque, comme son nom l'indique, on la pose entre les lèvres (moî signifie lèvre). C'est ma guimbarde !
Elle me fascine par son emploi si facile et par sa sonorité très riche en harmoniques !
En remontant le temps, on découvre que la guimbarde était la dame de coeur, c'est à dire la carte la plus importante d'un jeu de carte nommé "la mariée".
Gabriel Yacoub (l'un des créateurs du groupe "Malicorne") va plus loin dans son livre passionnant
"Les instruments de musique populaire et leurs anecdotes".
"Dans différentes traditions, la guimbarde est liée aux rapports amoureux. Certains organologues lui attribuent même une symbolique sexuelle. C'est ainsi qu'au Viêt-Nam, les jeunes gens accompagnent leur déclaration du jeu de la guimbarde."
"C'est aussi le cas dans un pays de civilisation toute différente : l'Autriche puritaine du XIXe siècle, où l'on utilisait la guimbarde pour exécuter des sérénades sous les balcons des belles Viennoises.
Les autorités interdirent cet usage, prétextant qu'il mettait en danger la vertu des jeunes filles."
Cet instrument est essentiellement d'utilisation populaire ; il faut attendre le XVIIIe siècle pour que le compositeur allemand Johan Alberchtsberger (1736-1809) consacre un concertino à la guimbarde en 1769.
Au XIXe siècle, les orchestres de guimbarde étaient très prisés. Ils étaient constitués d'un nombre de musiciens pouvant aller jusqu'à vingt et jouaient en plein air.
Définis-sons ce mystérieux objet musical.
Il est en laiton ou en bambou. Le cadre en fer se nomme la lyre et il dispose de deux branches entre lesquelles une languette vibre quand on la touche avec le bout d'un doigt (le pouce ou l'index).
La lame vibrante fonctionne exactement comme les cordes vocales. On peut parler avec une guimbarde sans se servir de ses cordes vocales.
Les personnes vivant sans larynx peuvent l'utiliser pour s'exprimer. On entend alors une parole synthétique qui ressemble à un vocoder mécanique (le vocoder, c'est ce clavier qui produit la drôle de voix de robot dont use et parfois abuse le célèbre duo electro "Daft Punk").
En soufflant ou en aspirant plus ou moins fort, on change, module la puissance sonore. Donc c'est tout bon pour nos poumons.
A écouter :
"Guimbardes du Monde" du jovial Tran Quang Haï (Playa sound, 1997) et de l'incontournable John Wright : "La Guimbarde" (Chant du Monde, 1971).
Allez, bien l'bonjour chez vous, portez vous bien.
Adoptez et domptez une guimbarde sauvage, vous ne le regretterez pas !
Haïku :
"Le barde qui gambade,
dans l'herbe mouillée,
chante la guimbarde."
Y.M
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