"Nos yeux et tous nos sens ne sont que des messagers d'erreurs et des courriers de mensonges.
Ils nous abusent plus qu'ils ne nous instruisent."
Anatole France
C'est la fin des vacances, il est temps de répondre au courrier et d'envoyer quelques bafouilles.
Voici un "mezze" littéraire, sur le thème de Pierre et autres (n'oublions pas que c'est un mezze, un fourre-tout, un bazar bizarre).
Mais tout d'abord, retour sur le message précédant, voici ma réponse à la devinette posée dans le dernier message, que voyez-vous dans cette miniature de Florence Tassan :
Moi j'y vois un gnome, un "luthin" (un lutin joueur de luth) qui se balade. Sinon, c'est une maison (au fond) proche d'un bois. J'aime bien ce jeu, que je pratique souvent (la simple nappe d'une table, décorée de trèfles et de coccinelles m'inspire, j'en ai déjà vu défiler, au gré des jours, des dizaines de visages bien différents les uns des autres).
Cette chanson pop psychédélique, cette comptine de troubadour moderne est comme un bonbon acidulé, un vrai psychédélice ! Les parents devraient prendre le temps de réfléchir au prénom qu'ils vont donner à leur enfant. Ainsi Syd (Barrett), le génial créateur de cette chanson (et du groupe rock "Pink Floyd"), ayant abusé de l'acid (le L.S.D), s'est littéralement grillé le cerveau à l'âge de vingt ans et a vécu en autiste le reste de sa courte vie (il meurt à 60 ans). Les chansons de Syd Barrett, le mal barré, sont toujours écoutées (par des gens "génération jean genie" ou des jeunes en "djinn" génial, autrement dit : Bowie ou Dionysos).
"Par les bois du Djinn, où s'entasse de l'effroi." Peut aussi se lire :"Dur-rouillé"
"Parle et bois du gin ou cent tasses de lait froid." Alphonse Allais
Répondons donc, maintenant, au dernier commentaire de Pascale (message "Cocasse pie qui jacasse") :
Effectivement, le dessinateur Philippe Druillet a vécu dans une famille fasciste et il en a beaucoup souffert. Il y a quelques mois, dans l'émission télé de Busnel, "La Grande Librairie", il nous avait montré sa colère et en même temps son humour. Avoir des parents fachos c'est fâcheux et comme ils avaient plutôt tendance à y aller Franco, ça laisse de traces. Tiens, rien que d'y penser, ça fait de l'effroi dans le dos. On peut dire qu'il aura dérouillé Druillet !
Est-ce pour échapper à cela qu'il a développé tant de talent ?
Sûrement, la main sûre, il a su transformer la morsure (mort sûre), les traces en grâce, en bandes dessinées destinées à lui permettre de se débarrasser de lourd fardeau familial.
On comprend mieux pourquoi son dessin est comme on le connaît. Par exemple, un de ses personnages de prédilection, Lone Sloane, vivant dans d'autres univers, a les yeux rouges de colère :
Venons-en aux Pierre et autres gens bien.
Un que j'aimais bien, c'était Pierre Vassiliu. Le voilà décédé, c'était un artiste décidé à vivre décalé, disparu des médias depuis un moment, sûrement par ce côté libertaire et puis ensuite par cette relation à la con qu'il entretenait, lui aussi, avec Miss Parkinson. J'avais apprécié son passage au Casino Miami d'Andernos. En concert estival, avec les grillons qui donnaient l'impression de répondre en écho à sa chanson "Les grillons" dont le refrain disait :
"Ah ! mais non, ah ! mais non, c'est pas les grillons".
Il avait l'air à la scène comme dans la vie, débonnaire et rigolard, avec l'air de ne pas s'en faire, de ne pas s'enfermer, tranquille et un peu à part. Il nous faisait décoller avec ses refrains entêtants et épatants. Certains duraient longtemps, comme ces choristes qui chantaient ad libido et ad libidum :
"Je cherche encore une fille qui voudrait bien de moi ce soir un quart d'heure".
Les phrases répétées, comme un mantra, pendant un bon temps, finissent par créer une certaine ivresse. "Like a Rolling stone", dirait Bob Dylan.
Les "Pierre" qui roulent saoulés tables, prouvent qu'ils ne boivent pas que de l'eau minérale.
Autre ex-pression :
"Pierre qui roule n'amasse pas mousse" (de bière, bien entendu).
Et comme on dit dans les chansons rock :
"Let's the good time roll !" (Laissons le bon temps rouler !)
Le bon temps qui roule.
C'est ce qui est arrivé l'autre lundi, retrouvaille avec Pierre (fils de Flo). On passe deux heures à jouer avec mes instruments de musique. Il est bien ... comme sa mère, il voit petit avec un regard panoramique et un cœur grand comme ça. Il a été séduit par un instrument mini, le "Piano à pouce" élaboré comme à l'africaine (à la débrouille, à la récupe), par un lutin luthier vif et inventif (Jean-Philippe Minchin). Voici un de ses modèles avec une caisse de résonance de marque "Pilchard" :
"Saint-Exupierry et Jean-Pierrot lunaire".
Un autre débrouillard, c'est un collègue de bourreau ((lui aussi frappé par la si lassante Lucy Parkinson), Jean-Pierre F., ingénieur-chercheur qui a un jour trouvé la bonne idée : construire lui-même un avion. Cela lui a pris cinq ans pour concrétiser l'idée et depuis ce temps, l'avion vole, se pose et regarde la vie de son concepteur qui vole haut, qui vole bas, qui parfois vole en éclats parce qu'il se retrouve seul comme un avion sans aile, comme un genre de "gens pierre" collé au sol. Alors voilà, pour ne pas trop subir cette pesanteur, il bricole la réalité et bidouille les vieux postes télé ou radio pour qu'ils fonctionnent à nouveau.
Un autre genre de J.P, le "gens prière" ... de ne pas déranger (enfin, c'est ce que j'espère pour lui pour qui la vie a été si dure), mort il y a déjà longtemps, à 42 ans seulement. Ce J.P là vit toujours dans ma tête. Son image est présente, mais surtout, je le fais revivre en réutilisant ses mots, ses expressions. Il avait des difficultés psychologiques, des raideurs corporelles. Parfois, on lui confiait une tâche et ayant mal évalué l'affaire, il disait :
- Il faut réfléchir ... avant d'agir !
ou :
- C'est l'inversement !
C'était sa "petite musique" à lui, il m'arrive de temps à autre, de reprendre ses airs là, alors je vois son sourire se dessiner et ses yeux plein de malice s'ouvrir. On ne dira jamais assez le pouvoir des mots et des sons.
Le seul moyen de faire "réapparaître" un disparu, ce n'est pas de faire semblant de vivre avec lui. C'est plutôt de lui donner de la joie, de réutiliser le meilleur de lui-même, suivre son génie et faire vibrer son langage chouette, sa "musi-quête".
Donc pas de chagrins, pas de tristesses, pas d'attachements excessifs (le "je ne peux pas vivre sans toi" ... c'est la seconde mort assurée du défunt). T'imagines la tronche de l'âme du mort aimé, si tu n'as que tristesse à lui donner, elle va trouver cela d'un ennui ... mortel !!!
Un bon lien, celui de J.P Minchin, on y trouve de drôles de machins sonores, allant du "piano du prolo" (bien plus accessible que le "piano du pauvre"-l'accordéon-) à la "Seljeflöte" (flûte harmonique) :
http://jp.minchin.pagesperso-orange.fr/
Voilà, voilà, n'hésitez pas à "deviner" et à "titrer" ces minis tableaux, véritables cartes à jouer avec l'imaginaire.
Ami qui voit cela "flouté" :
Salute !
Ami qui ne voit que du beau ;
Ciao !