Cabu : juste un type bien !
Quel drôle de destin commun avec son pote Wolinski.
Tous les deux ont fait leur service militaire pendant deux ans et demi en Algérie. Ils auraient pu mourir mille fois mais la mort ne voulait pas, elle a préféré les voir sourire ou mourir de rire pendant encore soixante ans.
45 ans de "Charlie-hebdo" côte à côte avec leur pote Cavanna, cela a créé des liens tellement forts qu'ils sont morts ensemble, au même moment dans les locaux du journal (le sept janvier 2015).
Cavanna est mort à 90 ans, un an plus tôt !
Mais je laisse là cette "planche à destin" (notre vie s'y dessine, on s'y penche, on planche pour qu'elle ressemble à quelque chose, qu'elle prenne forme et on finit entre quatre planches de ça peint ! ... oups ! ... de sapin), pour jeter un œil du côté de la planche à dessin.
Du Dubout, du Duduche : l'avis du pétillant Pétillon (collègue au "Canard enchaîné") :
"Cabu a pris de bonnes leçons chez Dubout, notamment la clarté, le sens du comique, du grotesque, le petit détail qui tue, qui rend le personnage ridicule ... Une façon de porter le vêtement, un accessoire, un port de tête, une attitude, c'est typiquement du Dubout, il en a fait du Cabu."
"... Le dessin a un côté non léché, non fini, avec souvent un trait qui déborde qui donnait un côté artiste, une liberté ..."
Cela vous en bouche un coin, écoutez donc Wozniak :
"Des chinois qui roulent vite à vélo : seul Cabu pouvait dessiner ça ! Il avait quelque chose dans l'œil qui arrêtait le mouvement."
"... dessiner derrière le dos ou dans sa poche avec un petit crayon, tout en parlant avec des gens ... un jour, je lui ai demandé de dessiner en tenant son crayon dans sa bouche. Il l'a fait, je l'ai filmé !"
"Tu veux que j'te fasse un des seins ?"
Wolinski disait du dessin des femmes "topless" de Cabu que leurs seins étaient placés trop haut.
Mais les personnages dessinés par Jean Cabut étaient là pour faire rire, pas pour être réalistes.
Je pense que Wolinski devait être un peu jaloux du talent de son ami et puis de trois ans son néné, il continuait à dessiner des nichons à sa façon (donc un peu vieux "je") !
"Calloway Cab Cabu" connaissait la musique !
"C'est difficile de dessiner des musiciens en mouvement quand tu n'es pas musicien toi-même. Lui, on sentait qu'il avait l'oreille. Ses dessins swinguaient, t'avais l'impression d'y être."
Delambre
Mougey, sculpteur et dessinateur disait de lui :
"Le mouvement, la marche, c'est compliqué à faire. Très peu de gens savent mettre une force, une dynamique dans le dessin."
Leçon de dessin : un tire-bouchon et une "bête à deux dos" ....
Pompier bon œil :
"Il pouvait tout dessiner. Tu pouvais lui demander un pompier, il te le dessinait aussitôt. C'était un dictionnaire du dessin ... En utilisant les marqueurs, il a beaucoup simplifié son graphisme.... et voilà Roselyne Bachelot !!!
Quand il ouvrait son feutre, on reculait de cinq mètres. Lui était habitué, il ne le sentait plus. Quand il faisait un trait, il y avait de la matière dedans, une espèce de vibration dans le noir."
Je l'ai rencontré plusieurs fois à Paris, lors de manifs, de rassemblements pour l'écologie ou pour la paix. Il dessinait sur de grandes feuilles de papier Canson installées sur un chevalet. Je le regardais dessiner, c'était le pied.
Sa main en action, je l'avais à l'oeil et ses caricatures sans ratures les "doigts dans l'nez" m'impressionnaient !!!
On parlait "coup de crayon utilitaire" et "bonne cause humanitaire". Cela durait peu de temps mais c'était suffisant pour ensoleiller ma journée.
Vif, vivifiant, vibrant, vivant, virtuose ... Cabu yogi du croquis, crac craquant et croquignolet, croquant souvent sur le vif, a développé une maîtrise tout terrain du trait, une souplesse incroyable.
Il a très bien digéré ses influences (Daumier, Dubout, Searle) et a trouvé peu à peu son style et son stylo (il était parfois distrait).
Ses personnages profitent de sa technique "3D", cela donne du relief, du volume, avec quelques traits, il montre l'essentiel et toi, tu montes au septième ciel !
Ainsi il sculpte et ausculte son "personaze", celui-ci montre son vrai visage, son mauvais fond ou son côté rond (le gars gros est difficile à dessiner, on manque d'angle pour choper sa personnalité) !
Dans Charlie, ce que je préférais de Cabu, c'était ses reportages dessinés, étonnants et épatants, dans la France profonde ou de par le monde !
C'était bien rempli (deux pleines pages) et parfois un peu brouillon. Il donnait matière à réflexion. Après lecture, tout devenait plus clair !
Je me régalais de ses crobards bavards (dessins qui en disent longs) sur l'avis de gens (ci-dessus à Mende en 1972).
Allez, bon vent et à bientôt.
Yamasté !
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