"Je n'ai aucune colère contre les frères K, je sais qu'ils sont les produits de ce monde ... tout homme qui tue est résumé par son acte et par les morts qui restent étendus autour de moi."
De la douceur contre la douleur :
"Je ne pouvais pas éliminer la violence qui m'avait été faite ... Ce que je pouvais faire en revanche, c'était apprendre à vivre avec, l'apprivoiser, en recherchant, comme disait Kafka, 'le plus de douceurs possibles'. L'hôpital était devenu mon jardin."
"Ecrire, est la meilleure manière de sortir de soi-même."
Et ce qu'il écrit est bouleversant, renversant et éprouvant. Son livre est un exorcisme ultrasensible.
Ses moyens de guérison, ses chemins vers d'autres horizons, il les a trouvés tout naturellement dans l'écriture (chroniques dans Charlie, Libé, ce livre), dans la lecture (Shakespeare, Kafka, Proust) et dans la musique (l'indispensable Bach).
"L'art de la fugue"
Place au "fugue-heurt" : Philippe part dans l'art et Lançon dans le son !
"Hossein a installé le CD dans un lecteur. Tandis qu'on désinfectait et anesthésiait la cuisse droite, les premières notes, si lentes, du premier contrepoint sont passées entre les bonnets des infirmières pour entrer une à une, comme les gouttes d'un début de pluie, dans l'oreille. Ré, la, fa, ré, do dièse, ré, mi, fa, sol, fa, mi, ré. C'était une musique d'hiver, c'était l'hiver, ma vie était en hiver.
Le son du vieil enregistrement se déposait sur la salle et sur mon corps. J'ai senti les piqûres et me suis concentré sur la musique de cet homme, Bach, dont j'avais chaque jour un peu plus l'impression qu'il m'avait sauvé la vie.
Comme chez Kafka, la puissance rejoignait la modestie, mais ce n'était pas la culpabilité qui l'animait : c'était la confiance en un dieu qui donnait à ce caractère coléreux le génie et la paix. Hossein a approché le dermatome de la cuisse, j'ai fermé les yeux et cherché à entrer dans la fugue qui développait maintenant ses différentes lignes en obtenant ce miracle : plus c'était complexe, plus ça me simplifiait."
Dans nos vies, lorsque ça déconne, écoutons donc la "Chaconne".
"Dans l'après-midi, Gabriel, un ami violoniste, membre du Quatuor Thymos, vient jouer dans la chambre la Chaconne de Bach ... Gabriel suit la partition en remontant lentement jusqu'à la tête du lit ... Bach résonne presque sauvagement dans le silence de la chambre et du service ... Tous les sentiments, toutes les émotions défilent dans la Chaconne : Gabriel les communique tantôt un par un, tantôt ensemble ...
Pendant quelques minutes, j'ai l'impression que je n'ai survécu que pour être là."
"Variations Goldberg" recentrent et rassemblent.
Au bloc on n'écoute pas de rock mais plutôt du "Bach'oque" (prononcé à l'allemande "Baroque") qui traque l'angoisse et la troque contre de l'énergie vitale !
En plus, on ne choisit pas de l'oeuvrette d'opérette, de la zizique de pacotille ou de la muzak qui rend patraque mais plutôt de la haute qualité, du millésimé, du premium miam-miam, du grand luxe épatant avec ce chef-d'oeuvre :
"Je suis descendu au bloc avec le CD des Variations Goldberg, jouées par Wilhelm Kempff. Nathalie l'a mis et l'opération a commencé.
Je sentais ma lèvre partir vers la droite, j'avais l'impression qu'on me déformait le visage entier. La légèreté de l'interprétation de Kempff, sa clarté intérieure sans tragique, luttait contre la fixation des points de suture avec une efficacité que n'aurait pas eue, je crois, l'interprétation de Glenn Gould. Elle appliquait une gaze sur la chair et l'esprit."
Avec sa mâchoire et sa lèvre abîmées, le jeu de vire-langue suivant ... :
"Wilhelm Kempff cite Nietzsche" (à dire vite et plusieurs fois de suite) !
... ne devait pas faire rire "Lançon le son qu'il faut face au sot" !
De toute manière, comme disait Françoise Sagan :
"Les gens vraiment intelligents ne sont pas méchants."Allez, passez le Bach d'abord et on verra ensuite. Bon vent !
Yamasté !!!
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